Toujours cette élégance sans forcer, ce luxe qui ne se dit pas, mais se devine dans la justesse d’un geste, dans le velouté d’une sauce ou la précision d’un service au cordeau.
La scène se passe avenue Brugmann, forcément. Une maison de maître de 1899, ancien repaire d’un baron, revisitée par Annie Mesmin, architecte d’intérieur qui connaît ses gammes : moulures, laiton, velours, lumières tamisées… C’est beau sans être prétentieux, chic sans être compassé.
Et si vous cherchez la plus belle terrasse de Bruxelles, arrêtez tout. C’est ici !
Le chef
En cuisine, Matthias Van Eenoo, chef à la fois ancré et voyageur.
Fils et petit-fils de restaurateurs belges, élevé en Provence, formé à Paris chez les plus beaux noms : Senderens, Gouloumès, Aribert, Tanneau… Autant dire que le garçon a vu de la flamme et du fond brun avant de poser ses couteaux dans la capitale belge. En 2015, il ouvre son Brugmann. Dix ans plus tard, l’adresse est devenue une institution, un repère pour gastronomes exigeants et épicuriens curieux.
Sa cuisine
Une France classique qui flirte avec l’Asie, un goût du produit qui ne fait pas de bruit mais fait toute la différence. Des assiettes propres, graphiques, précises, où le geste technique se cache derrière une apparente simplicité. Chez lui, une raviole de cèpe ou une Saint-Jacques contisée à la truffe se lisent comme des poèmes miniatures : trois ingrédients, une idée, un équilibre. Pas un de plus.
C’est déjà Noël
Lors de ma visite, le Menu Signature s’habillait aux couleurs de Noël.
Ça commence doucement, un velouté de marron comme un feu de cheminée.
Puis vient la spirale de crabe, perles de yuzu, grenade, tigermilk — un plat qui danse entre acidité, fraîcheur et caresse.
La tatin de pomme et foie gras met tout le monde d’accord, sauce Armagnac à faire fondre les certitudes végétariennes les plus tenaces.
S’ensuivent la Mona-Lisa du Brugmann (une œuvre truffée, au sens propre), et une raviole de cèpe glacé au jus de veau, profonde comme un sous-bois après la pluie.
Le trou normand poire-vodka joue les entremetteurs avant les plats de résistance.
Les Saint-Jacques de Dieppe, juste contisées à la truffe, arrivent accompagnées d’un savarin moelleux, de topinambour fondant et d’une bisque de homard marbrée, intense et iodée. C’est un plat de chef — équilibré, précis, diablement sensuel.
En face, le filet de chevreuil sauce Grand Veneur fait valoir son classicisme racé : chicon braisé, pommes dauphines, airelles — l’automne dans sa plus belle écriture.
Un fromage AOC vient jouer les interludes, avant le feu d’artifice final :
la Douceur de Noël du Brugmann, une petite bombe au propre comme au figuré. Graphique dans le dressage, explosive en bouche : marron, fruits rouges, chocolat blanc, textures croisées et contraste de températures — le dessert d’un chef qui sait finir fort, sans jamais tomber dans le sucre gratuit.
En résumé
Au Brugmann, tout respire la maîtrise et la générosité : le service est attentif sans formalisme, le cadre soigné sans ostentation, et chaque plat, jusque dans son dressage, raconte une histoire de passion et de transmission.
Ce n’est pas un restaurant qu’on réserve “pour une grande occasion”, c’est une maison où l’on crée les occasions en repartant, chaque fois, avec l’envie tranquille d’y revenir très vite. Et cerise sur le gâteau, le Brugmann possède un service voiturier, particulièrement appréciable à cet endroit de la capitale.